Texte pour l'exposition Le Secret des anneaux de Saturne, Maison d'Art Bernard Anthonioz, octobre 2011. 

Pour son exposition Frédéric Teschner posait une question (sur trois différentes) à différents critiques. 

 

L’unicité n’est plus de mise, une pratique graphique contemporaine est irrémédiablement multiple dans le temps de l’élaboration d’une œuvre (au minimum 41,5 années de cotisations !) et éclatée sur les registres des interventions possibles (scènes culturelles, architecture, organisations sociales…), se transformant au gré des médias. Multiple même dans l’exigence, un graphiste est un praticien qui chemine s’il fait ses gammes inlassablement, dans une possible précarité (économique et/ou créative) et un certain goût pour l’endurance ; il peut être auteur dans une commande et interprète ailleurs. La pratique se construit face et avec l’autre, qu’il soit commanditaire, institutions à multiples têtes  chargées de communication ou… soi-même. Les grands noms du design graphique (Schwitters, Cassandre, Müller-Brockmann, Quarez…) ont toujours laissé une valise pleine de doutes, non pas tant sur la discipline qu’ils ont forgée mais sur son adéquation avec la société. Valise qu’ils ont portés, parfois oubliés ou désespérément ouvertes, mais ils l’ont léguées à leurs confrères et suiveurs, et les « véritables » graphistes sont ceux qui la récupèrent un jour. Cet équilibre fragile et passionnant entre l’Idée de cette discipline  - d’utilité publique et privée (la révolution sociale demande une révolution de l’intime- et ses applications, il faut le braver. Après plus d’un siècle d’existence, le design graphique s’installe dans une phase réflexive, évoluant en sondant ses desseins, son histoire, s’attardant sur son  insaisissable  définition. Ces dernières années, nombres d’expositions se sont révélées des espaces propices à ce genre de questionnements, où,  en deçà, il s’agit de donner conscience du dessein du design graphique. En tant que producteur d’affiches, de livres, d’identités, d’écrans, le graphiste est en prise directe avec une société en représentation et en élaboration, il ne peut échapper à une  responsabilité face aux signes et au vocabulaire qu’il distille dans la rue ou dans les supports d’information. Tout propagateur d’œuvres est acteur dans le champ du visible. D’où l’extrême importance du contemporain pour le graphiste, il s’agit d’être ici et maintenant, avec l’autre (du grand public à l’initié). Cet échange de regards scelle les ressources du partage. A cette symbolique valise, les pratiques contemporaines ont à se frotter pour continuer à offrir un dialogue intelligent. Le graphiste de l’ère numérique et twitter peut se délecter d’être toujours dans une problématique de passage, c’est-à-dire de passer d’un état à un autre, d’un être à autre, d’un milieu à un autre, tout en veillant à ne pas se perdre dans le fugitif afin de restituer la beauté du devenir.